La bienveillance est morte…

Il y a quelques mois, je suis allée au cinéma pour voir le film Complètement cramé, adapté d’un roman de Gilles Legardinier.

J’avais adoré ce roman, les personnages, la bienveillance et la gentillesse qui s’en dégageaient, l’humanité aussi. Les personnages sont entiers, chacun avec son passé, son envie d’ailleurs, ses désirs d’avenirs, mais aussi ses freins, ses limites et ses blessures. Le héros, loin d’en être dépourvu ou de les avoir transcendés, est à notre image : humain.

Alors, évidemment, quand ils ont annoncé le film, j’étais dans les starting blocs. Je pensais aller le voir avec une amie qui avait aussi adoré le livre. Finalement, j’y suis allée avec une autre, qui avait besoin de cette soirée de pause. Moi aussi d’ailleurs. C’était l’occasion.

Et le film a été à la hauteur de mes attentes, respirant l’humain et la gentillesse. Et moi, mon petit coeur d’artichaut, mon optimisme bien dissimulé mais néanmoins présent, ma foi en l’humanité, ça m’a fait du bien. Un film qui réchauffe mon coeur, qui me donne envie d’y croire et j’étais bien heureuse.

L’inévitable échange post-séance a démarré.

Et ça m’a fait un choc. Ce n’est pas un reproche envers mon amie. Je sais que je suis bisounours, malgré tout je n’arrive pas à croire que ce soit un défaut. Je pense plutôt que si tout le monde était bisounours, le monde s’en porterait mieux. Enfin, quoi qu’il en soit. La conversation m’a procuré un choc. Ou plutôt une réplique de mon amie.

« ça n’arrive jamais, les gens ne sont jamais aussi gentils »

Mince alors… j’ai tout de même passé la soirée à être attentive à elle, à son écoute, à essayer de l’aider et ce n’était pas la première fois. Bon… visiblement, je suis moins gentille que je ne croyais, ou en tout cas pas au point de lui faire changer d’avis là-dessus. Des gens gentils, compatissants, qui prennent soin des autres, ça n’existe pas.

Fatalement, quand on me dit ça, j’ai envie de dire ben moi je suis gentille, mais je n’ai rien dit. Pétrifiée par sa conviction profonde que les humains sont tous des peaux de vache, que rien n’y fera et que l’empathie n’existe qu’à l’écran, que ce film était gentillet mais absolument pas réaliste.

Moi, dans mes petits souliers, je me disais quand même que flute alors, j’étais pas assez empathique. L’irritation me prenant (parce que je peux être très en colère quand on m’assène des convictions de ce style, des généralités réductrices qui pour moi sont responsables de 90% des problèmes mondiaux), je me retiens de lui dire que la prochaine fois qu’elle aura besoin d’une oreille compatissante, elle ira la trouver ailleurs.

Une fois rentrée à la maison, outre le fait que j’ai mis du temps à m’endormir, je digère l’histoire. Enfin, j’essaie. Et je me dis que non, elle a tort, que c’est sa pensée et que si tout le monde pense comme elle (spoiler alert : c’est le cas), c’est logique que les gens deviennent méchants.

Parce que si on cesse de croire que les gens sont gentils, on cesse soi-même d’être gentils. De la même manière que je n’avais plus envie de la soutenir et de l’épauler après cette soirée, on n’a pas envie d’être le seul gentil, la bonne poire. C’est d’ailleurs curieux qu’on se moque assez facilement de celui qui aide, qui ne s’énerve pas, qui est gentil et qu’on encense les méchants, les harceleurs. La loi du plus fort a encore de beaux jours devant elle.

A quoi bon être gentil puisque personne ne l’est en retour ? Et le cercle vertueux s’arrête. Et le moindre signe de bonté, de gentillesse est interprété selon l’angle du « qu’est-ce qu’il me veut ? Je vais le payer cher ». Comme l’homme (ou la femme) qui rentre à la maison avec un cadeau pour son partenaire et qui se voit poser la question « qu’est-ce que tu as fait ? ».

Bon Simonne, c’est gentil ce que tu nous dis là, mais le rapport avec la choucroute ?

Le rapport c’est que la bienveillance, la gentillesse et tous les bons sentiments sont à présent galvaudés. Une autre amie me disait qu’elle aimait les séries violentes parce que c’était plus réalistes que les séries dégoulinantes de bon sentiments. Bon, moi désolée, je vis plus souvent des situations où je souris à des inconnus parce qu’ils me laissent passer, où je cède ma place à la caisse à une personne qui a un article alors que j’ai un chariot plein plutôt que des situations où je suis battue à mort, mes enfants torturés et mon mari victime d’un épouvantable complot visant à le discréditer publiquement. Chacun sa vie, après tout.

Il est vrai que la violence a le vent en poupe, de partout, sous toutes ses formes (physique, mentale) ciné, jeux vidéos, livres… et que les gentils sont moqués. Les méchants deviennent les nouveaux gentils, les frontières se floutent et la raison du plus fort est mélangée avec la nécessité fait loi.

Et que l’excuse pour justifier tout ça c’est que c’est réaliste. Le monde est violent tu sais ? Et à cause de qui ? D’où vient la violence dans le monde ? De la littérature ? Ou des hommes ? Des femmes ? Est-ce que ce n’est pas plutôt parce que la violence nous envahit qu’on devient moins gentil ?

N’arrêtons pas d’être gentil, bienveillant et empathique… surtout si on se plaint que le monde est violent.

Nous sommes acteurs du monde. C’est nous qui le définissons. Pas les autres. Peut-être que le monde est violent. Sans doute. Ce n’est pas une raison pour l’être nous-mêmes, pour nous moquer de ceux qui résistent, et pour estimer qu’ils ne sont pas réels.

Des gens empathiques, il y en a autour de nous. Mais aveuglés par notre égoïsme, la plupart du temps, on ne les voit pas.

Alors désolée d’avance, mais je vais continuer d’écrire des romans bienveillants, avec des personnages gentils, doux, empathiques, des personnages réalistes et crédibles parce que contrairement à beaucoup de monde autour de moi, je les vois, je les entends et je veux leur rendre hommage.

On m’a souvent dit que William Warren, mon cowboy n’existait pas. Il est trop parfait. Oh non, il n’est pas parfait. Il n’assume pas sa gentillesse, la plupart du temps, il fuit les conflits et Lilly s’énerve à ce propos. Des gens comme ça, tu en connais, j’en suis persuadée. C’est juste qu’ils ne font pas de vague, qu’ils ne crient pas, qu’ils ne se montrent pas… Ils existent et ils permettent au monde de tourner correctement.

Allez viens… on devient l’un d’eux ?

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